Ce trésor a été retrouvé !
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Rapine de deuxième classe


#R2C-VIGNETTES

Vapeurs d’asphalte et arôme des champs, mélodie d’eaux et danse en transe, des branches secouées par le vent. Nous marchons sur les routes depuis combien de temps ? Mille visages en mille et un paysages ; rieurs, inquisiteurs ou joueurs, folles et fous à lier ; ribambelles de monuments, de naufragés ; fresques de rescapés, parfois de héros oubliés. On s’est croisés, accompagnés, abandonnés, parés à la manœuvre.
Lentement, la nuit tombe sur le campement. Autour du feu, des crânes de bronzes et d’aciers scintillent par résonance aux flammes. Enivrantes torpeurs des « nuits sans fonds » :

Ce soir, nous enterrons un trésor.

Deux soleils harassant la plaine et brûlant nos peaux jusqu’aux racines, à observer, mesurer, étudier. Un délai enflammé pour assurer une tombe secrète ; un délai embrasé pour mûrir le cœur d’une quête. Les coffres béants attendent leurs tours. L’un d’eux se voit équipé de ses trésors. Et à l’heure des voleurs, nous éteignons les dernières braises. Sur le sentier, les astres projettent l’ombre des trésoriers. Nous dormons loin, marchons longtemps, coffre sous le bras, pelle en main. Avant de rejoindre une croix, nous restons haut perchés : en silence, dans l’ombre de la lune, n’échangeant que les lampés.

Le premier coup déchire la terre, criant aux poètes notre révélation magnétique. C’est aussi ainsi que les hommes vivent : à coups d’amours et de mythes, de passions et d’hystéries, de rêves et de frénésies. A grands coups de pelles, ce coffre est déposé sous terre. Quand le satellite est loin sur son orbite, les dernières bordées signent les vers. A nos regards épuisés, comblés de fierté, nous célébrons l’enterrement d’un crâne doré.

Ce soir, nous avons enterré un trésor.

Retour autour d’un feu crépitant, réchauffant nos âmes heureuses. Tous n’auront pas le même destin. Tous auront leur instant sacré. Sans spleen ni nostalgie ; juste un recommencement de mise en bières, avant mises en terre, en eau, en pierre…
A l’aube, nous retrouvons la tombe, parfaite et invisible. Puis nous roulons vers le premier village venu, à la recherche du premier bar venu, en chasse d’un litron de café. Le seul rade ouvert s’appelle « Le bateau ivre ». Nous y entrons, hilares. En terrasse, deux matinaux d’un autre âge attaquent la journée au ballon de rouge. Le plus fort en gueule crache sur la politique et les politiques, vomissant un monologue communiste, lui aussi d’un autre temps. Nous rions encore, abandonnant ce Carlo Marx pour en trouver d’autres sur la route. La nôtre. La vôtre.

« Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau »

Le bateau ivre, Rimbaud

 

Bonne chasse, camarades.