Le salon du livre 2016 commençait le 17 mars dernier. Sax m’avait lancé les accréditations, l’air de rien :
« On devrait aller au salon du livre ! »

Depuis que nous avons commencé à sillonner la France, nous avons essayé de passer à peu près partout, sauf au salon du livre… Je dis banco ; ce n’est pas comme si j’avais besoin de sortir « Barbenoire » et Anne Bonny de mon esprit. Jeudi matin, nous voici devant les grilles de la Porte de Versailles, sans mascotte (Bonny, la « chienne porte bonheur » est restée pioncer à la maison). La bonne odeur du papier. Les silhouettes pressées. Les réassorts de stocks. Les caisses en marge des stands – aux dimensions imposantes. Des exposants dans tous les sens. En chemises blanches et vestes noires, ça parle littérature classique et contemporaine autour d’un petit café, au stand Gallimard. On se sent tout petits à côté.
Contextualisant le « dress code » des gentilhomme de fortune, nous sommes en chemises, gilet sans manche pour Sax, bretelles et foulard à la taille pour moi, le tout accompagnés de bracelets de force, d’une petite (!) barbe et de nos plus beaux sourires. Ça ne suffit pas toujours et, lorsque nous tentons de présenter Le trésor de Levasseur à un stand, nous avons parfois l’impression de passer pour deux témoins de Jehovas qui sonneraient chez vous trois minutes avant le livreur de pizza…

« Avec ta barbe et tes bretelles d’Amish, aussi, grogne Sax, on est pas rendus… »
Il faut reconnaître que le salon déborde de libraires, présents à tous les stands sous l’étiquette « exposant ». Nous finissons par changer de méthode et, quitte à êtres décalés, reformulons la présentation :

« Bonjour, connaissez-vous notre paroisse ? »

Il faut bien donner au public ce qu’il veut. Nous décochons des sourires et de l’écoute. À la mi-journée, nous avons échangé avec quelques éditeurs autour du projet et rencontrons Marc Frachet, auteur d’InCarnatis ; une autre trilogie littéraire et transmédia, recelant une chasse au trésor. Eux tiennent (régulièrement) un stand et nous passons un bon moment ensemble. Comme Sax, Marc tient à participer au « speed-dating » organisé par Amazon en fin de journée…

Nous allons nous sustenter, errer dans les travées et faire nos petites courses. Chez Flammarion, je trouve un Guide de l’expert sur le whisky et Sax tombe sur une revue qu’il ne lâchera plus ; Bouts du monde, carnets de voyageurs, ainsi qu’un livre sur lequel nombre de chasseurs seraient bien inspirés de se pencher : Les 1000 lieux qu’il faut avoir vu en France.

La fin de journée approche et nous devons nous inscrire au concours d’Amazon – sans rien savoir de son fonctionnement. Une cinquantaine de participants vont sauter sur la feuille et un jury divisé en cinq va accueillir les auteurs, qui auront cinq minutes (chrono) pour pitcher leur livre et répondre à des questions. Je ne suis jamais vraiment à l’aise dans cet exercice… Je ressasse le « syno » dans ma tête, les grandes lignes, les amours homos et hétéros de nos pirates, leurs utopies et leurs folies… On nous appelle.

Face à Cédric Charles Antoine et Laurent Bettoni, tout ira très vite : « Bonjour, ça parle de ceci et de tout ça ! »
Les deux membres du jury sont auteurs ; le premier aime la mer et les romans historiques (il sera attentif !) ; le second est également éditeur et critique littéraire. C’est bon ? Vous nous sentez à l’aise ? Ils nous bombardent de questions. A chacune, j’ai la désagréable sensation d’avoir oublié dans ma dernière phrase de pitch le mot qui nous aurait évité l’interrogation suivante. Je corrige aussitôt, dans une sorte de précipitation.
« Qu’est-ce qui sauvera Olivier Levasseur ? » « Gagne-t-il à la fin ? »
Les secondes défilent. Le temps de rien. Le gong retentit. C’est fini. Ils gardent un exemplaire du bouquin à la place du premier chapitre que devaient remettre les concurrents. Merci. Au revoir.

Nous quittons le stand, un peu hagards, pour une bière qui va se transformer en deux tournées, jusqu’à regagner le carré d’Amazon pour observer les débats du jury réuni en conclave. Aucun moyen d’approcher, mais nous voyons bien que le premier tome de Levasseur passe dans toutes les mains. Chacun semble y aller de ses arguments. Sax me propose de refaire un tour avec Marc – d’InCarnatis – mais je ne peux pas bouger ; je suis tétanisé. Sax se fout de moi :
« Alors passer la nuit dans la grotte des sangliers, tu te poses pas de question mais là, t’es complètement paniqué ? »

On n’est pas tous foutus pareils ! Il se moque mais sait bien, en vérité, que ce sont des années et des années de travail qui sont débattues autour de la table. Je ne suis pas le seul. Le stand est envahi, d’une tension palpable, qu’un traiteur apaise à grands coups de sandwichs et de bières, offerts par la maison. Ça s’éternise. Donc ça picole. A un moment donné, nous avisons Laurent Bettoni quittant le jury – pour une interview avec BFM. En nous croisant, l’homme nous salue, nous achevant d’un sobre « Bon courage ». Vous savez, ce « bon courage » un peu résigné, lancé au coureur motivé qui n’a pas l’ombre d’une chance de passer la ligne d’arrivée ? Et bien c’était précisément le « bon courage » auquel nous avons eu droit. Ce qui m’a redonné le courage de m’arracher, pas totalement, juste un peu plus près du bar.

« Barman ? »

Je ne suis pas déconfit – faut pas pousser – mais ça nous aurait plu de gagner : on va s’arsouiller. La bière coule, on se marre et attendons, curieux, l’annonce des lauréats. Présidentes du jury, Isabelle Rozenn-Mari et Amélie Antoine s’emparent du micro et présentent le premier gagnant, « à l’unanimité » :

Un thriller psychologique à la catch-line éloquente : « Parfois, les bourreaux aussi croient faire le bien. » Il s’agit du Serment du passeur, premier roman de Frédéric Clémentz !
Applaudissements.

Le second vainqueur est une gagnante : Chris Simon, pour Judaïc Park, un roman autour du « tourisme noir ».
Applaudissements.

« Le troisième lauréat est un roman d’aventure qui nous fait voyager dans l’univers de la piraterie. »

Nous ouvrons grand les yeux et je manque de renverser ma bière. Sax me dit de foncer. Ça applaudit. Nous en sommes un peu étourdis.
Je me retrouve sur l’estrade, interdit, à pitcher Levasseur devant le public, tout en remerciant maladroitement le jury. Je suis bientôt rejoint par les autres gagnants pour une photo de groupe. Fred (Le serment du passeur) et Chris (Judaïc Park) semblent aussi émus (et perdus ?) que moi. Nous nous félicitons et partageons, un court moment, ces instants de grand bonheur, avant de chaleureusement remercier le jury ainsi que l’équipe d’Amazon, avec qui nous échangeons. Responsable d’Amazon KDP, Eric Bergaglia nous congratule et nous présente d’autres auteurs – à l’instar d’Alice Queen – qui nous couvrent de conseils bienveillants…

Retrouvez les gagnants du concours ici

Une pause merveilleuse entre les vallées et les forêts que nous avons traversées, entre les abordages et les mutineries qu’il me faut actuellement corriger. Un moment magique, pour lequel nous tenons, une fois encore, à tous vous remercier. Nous sommes repartis comme nous étions venus ; en pirates, emportés par ces ivresses, le cœur lesté de ces belles rencontres, qui (re)donnent envie de bientôt croiser nos chasseurs sur des événements IRL.

Encore merci et à bientôt, camarades.
Sax & Charly