Aujourd’hui, nous embarquons Stephen & Sam, deux pirates qui ne sortent pas souvent, voire jamais, la faute à une hospitalisation longue durée. C’est l’occasion pour tout le monde de faire une pause à la belle, la tête dans les étoiles ; de monter le bivouac avec dîner au feu de bois ; et (on ne se refait pas) de vivre une petite chasse exceptionnelle ; « du sur mesure »…

Samedi

14:00 : Matelots sur la passerelle. Présentation de Bonny, la chienne. Serrés sur la banquette arrière, il se passe quelque chose entre Sam et elle. Ça démarre bien… Nous roulons à peine plus d’une heure, avant d’entrer dans une forêt. On se gare dans une petite clairière, qui en domine une autre : le bivouac.

Nous descendons dans le petit cirque. Immédiatement, Stephen et Sam s’enfoncent dans le bois, saisis par la lumière qui transperce les feuilles des arbres : immense espace s’imposant à eux. Comme ils sont happés, nous les rattrapons pour monter le camp ; seule priorité.

Volontaires, nos deux recrues vont plus vite que nous et, escaladant un arbre, fixent les Jolly Roger à notre place. Stephen déploie la tente Quechua, « comme dans la pub ». Puisque nous dormons toujours dans nos hamacs, cette tente est un plan de secours et avant tout, la piaule de Bonny. Y accueillir deux adolescents est pour elle un paradis.

16:12 : « Il va falloir aller chercher du bois, jeunes gens, prévient Sax. Et en quantité, s’il vous plaît : c’est pas à minuit, dans le noir et les mains gelées, qu’on ira en trouver ! »

Ils partent explorer les environs comme une fusée. Bonny les colle, multipliant les aller retours entre eux et nous. On file un coup de main sur la fin, pour la forme : ils ont ramené de quoi se chauffer trois nuits ! Tout est prêt. Il ne reste plus qu’à se balader dans cette forêt millénaire…

On s’égare sur un petit sentier, entre d’improbables rochers qui jonchent la forêt. Ils sont attirés par tout et regardent à trois cents soixante degrés, où tombent les jets de soleil qui ont su traverser les cimes. Au bout d’une vingtaine de minutes, nous prétextons un oubli et retournons au camp, passant devant un rocher sur lequel est posé un lampion doré, brillant dans la lumière. Je pense qu’on aurait pu mettre un néon rouge que ça n’aurait rien changé.

 – Eh les gars ? Vous voulez la faire, la chasse aux trésors de Levasseur ?
– Bah oui ! lancent-ils interloqués, en plein milieu du chemin.
– Va peut-être falloir ouvrir vos yeux, alors ?…

Les deux drôles reviennent et vont observer les alentours deux bonnes minutes, avant que l’un percute brutalement et s’empare du lampion en criant. L’excitation monte lorsqu’ils découvrent le mot à l’intérieur :

« C’est une dune de sable d’or, un parterre de trésors,
qu’entre autres signes cabalistiques, une flèche indique. »

Sam et Stephen ne comprennent pas tout de suite et s’éloignent dans la pampa, pour chercher et nous sonder. Nous n’avons rien à ajouter, comme toujours.

 – Mais c’est vraiment une chasse aux trésors ? s’inquiète Stephen.
– Ou juste, vous voulez nous faire croire ? rit (jaune) Sam.
– A votre avis ?

Ils repartent comme des lièvres… dans la direction opposée (sur le sentier d’excursion) !

On les suit tout en nous marrant en dedans : enflammés, ils ont complètement occulté les motifs gravés sur le gros rocher du lampion, juste sous leur nez.

Déconcentrés par la beauté du lieu, ils s’éparpillent, abandonnent le tracé, s’égarent entre les ronces, enjambent les arbres morts et grimpent sur les rochers. Ils cherchent pour de vrai ! Ils y prennent du plaisir et, même s’ils l’ignorent, repèrent la zone pour la suite. Sur la piste d’une « flèche de sable » (admettons), Stephen ausculte les racines d’un hêtre effondré et Sam s’engouffre dans de larges fêlures entre d’immenses rochers. Après une heure de recherches intensives, nous décidons de les aider en leur suggérant de revenir au point de départ.

Euréka : ils repèrent la flèche gravée dans la pierre. Sauf qu’elle indique le campement :

 – Vous avez caché un truc dans le bivouac ? Ou autour du bivouac ? Ou au centre du bivouac ?
– Vous voulez pas qu’on vous coule un bain, aussi ?

C’est reparti. Les chasseurs sautent sur les roches pour mieux contempler la zone. L’un se demande s’il aura besoin de la pelle – qu’il avise près des hamacs. L’autre suggère de remonter dans la clairière où nous sommes garés, où le point de vue donne sur le bivouac. Ils grimpent sur les grosses dalles de pierre y menant quand brutalement, Stephen se fige, index tendu sur ses pieds. Il vient de repérer une nouvelle flèche gravée, au milieu d’une pluie de signes cabalistiques. Celle-ci indique une crevasse dans laquelle ils peuvent ramper. Elle est entièrement couverte d’un sable de plage. Sam se jette dedans, tout sourire. Il avance en décrivant tout ce qu’il voit à Stephen, resté derrière. Le jeune gabier balaye le sable de ses mains et, d’un coup, heurte le couvercle d’une boîte. Il la frotte énergiquement, la dépoussière et s’agace : « Si c’est pas ça, ça va pas le faire ! »

Sam ressort de là en exhibant une paire de talkie-walkie rouges. Les deux se congratulent, se demandant presque ce qu’ils vont faire à présent, quand l’un retourne le couvercle de la boîte et découvre un second message :

« Encapez sur 35° NE*
sans ratez de faille »

*Le E de Est était volontairement illisible.

Les mains cramponnées au message, les deux chasseurs relèvent leurs mirettes et demandent, dubitatifs :

 – Faut qu’on cherche des failles ?

Stephen a une illumination et emmène son camarade sur le sentier de forêt où ils cherchaient une flèche de sable. Sans quitter le bivouac, on les regarde disparaître dans la verdure, une chienne collée à leurs basques… Au loin, nous entendons les crépitements de leurs talkies.

 – Tu veux une bière ? demande Sax en lançant son chrono.
– Allez ! Mais je dis qu’on n’aura pas le temps de la finir.
– J’espère !

Effectivement : deux minutes plus tard, les héros reviennent nous demander si nous n’aurions pas… une boussole à leur prêter. Je la leur tends. Ils repartent en se marrant : à l’aveugle, ils marchaient bien vers 35° Nord Est ! Cette fois, nous suivons, attendant que l’un d’eux remarque la multitude de fissures que l’on retrouve entre, et à la base, de ces grosses pierres. Ils finissent par trouver une zone intéressante et l’explorent. Sax suit Stephen et moi, Sam, qui escalade et contourne une grappe de pierres. Il l’ignore mais le second trésor est à moins d’un mètre de lui. A genoux, le pirate se retrouve nez à nez avec une énorme araignée dans sa toile et me dit détester ça. Puis, sans rien ajouter, il plonge au travers, se retourne, glisse un bras dans la bonne faille et fouille.

« Stépheeeeen !!!!!! » hurle-t-il.

Ils viennent de mettre la main sur un petit drone. Au dos de la boîte, un mot :

« Monté comme un diadème,
à l’ombre d’un dolmen »

18:50 : Magnifique coucher de soleil aux confins de la forêt, nous sommes tous assis sur d’immenses rochers surplombant la canopée. On chante et parle de tout et de rien, mais aussi diadème et dolmen.

19:45 : Le feu met un sacré temps à partir ! Sam et Stephen ont la tête dans la voie lactée :

 – T’as vu le ciel ? lance l’un, ravi. Il y a tellement d’étoiles !
– On n’en voit jamais autant à Paris, répond l’autre, émerveillé.

20:13 : On commence – à peine – à avoir des flammes correctes. Posés sur de gros cailloux, nous branchons l’enceinte et préparons le dîner. Menu du soir : pâté, cassoulet et raviolis bolognaises, parsemés de débats sur la musique, les étoiles, Jupiter, Levasseur, les boussoles, les filles, et les dolmens (en bref)…

00:35 : On confie les clefs du bivouac aux gabiers et on part se pieuter !

Stephen et Sam prennent possession du camp, tandis que nous allongeons nos vieilles carcasses dans nos toiles. A quelques mètres à peine, on les entend rire et chanter, on les voit sautiller et danser sur un album de rap endiablé. Ils s’inquiètent de ne pas nous déranger mais Sax ronfle déjà comme un sonneur et eux finiront par se caler au coin du feu, éblouis par les étoiles, à se raconter leurs rêves…

01:38 : Les cosmonautes vont se coucher. Bonny les attendait…

01:39 : Organisation nocturne :

« Vas-y, Bonny, tu prends toute la place ! »

« Mais me la mets pas sur moi, toi. »

« Mais c’est toi, qu’elle veut souiller depuis le début, prends-là ! »

« Mais arrête, elle gratte là ! Elle squatte la couverture, J’te dis. »

« Bon, je la laisse au milieu, ça te va ? »

« Pff… Toi aussi… »

 

Bonny 1 – Ados 0

03:35 : Je m’extirpe de mon hamac pour une urgence et me ramasse maladroitement dans la pénombre des rochers, sans attirer l’attention de personne : on a le temps de couler six fois, avec un tel équipage. Tandis que je retourne aux plumes, j’entends que ça bavasse encore, sous la tente. Un vrai salon de thé. C’est salaud mais ça me fait rire : j’attrape une grole et la balance sur la tente. Grand silence :

 – C’était quoi ça ?
– C’était pas toi ?
– Non ! C’était Sax ou un sanglier ?

Nouveau silence, entrecoupé des vrombissements de l’intéressé.

 – Baaaahhh… Sax, il ronfle.
– Ah. Et Charly ?
– Bonny, elle dort en tout cas.
– C’est cool alors ?
– « Vas y », on dort.

Nouveaux rires sous la tente.

Dimanche

07:22 : Un murmure. Sax ouvre un œil et entrevoit les deux mousses sur le pont, qui se changent et s’équipent. Navrés de l’avoir réveillé, l’un d’eux s’approche pour le rassurer :

 – Pardon, chuchote-t-il. Rendors-toi. On a cogité toute la nuit et on a peut-être une idée pour le diadème.
– De quoi ? grogne l’ours. Mais il est quelle heure, là ?
– Sept heures vingt, sourient-ils avec fierté.

Sax retombe dans son hamac comme un âne mort. Tout ça m’a réveillé. L’équipée sauvage disparaît. Une minute passe.

 – Ils sont repartis ? dis-je en somnolant.
– Ouais.
– Avec la chienne ?
– Ouais.
– Tu te sens vieux ?

Sax se retourne dans sa toile sans répondre.

07:27 : On s’est fait coiffer au poteau, dès le réveil. Nous marchons, hagards, dans la forêt pour les retrouver. Nous ne sommes pas inquiets car Bonny est une chienne de garde efficace (manifestement amoureuse d’Sam) et la zone de recherches n’est pas si grande. On est tout de même dans le coltard et oublions nos propres talkies – pour capter leur fréquence.

07:41 : Retrouvailles : « Vous déconnez pas, les mecs ! »

Pas de pause ni de petit dèj’ pour les héros.

07:42 : Ils nous expliquent les différents raisonnements les ramenant sur leur pas (là où ils ont trouvé le message du diadème) et nous interrogent, impatients.

 – Heuu… Là, comme ça ? dis-je timidement. Il me faut un café ou du coca.

07:58 : Les gabiers sont obsédés par un dolmen aperçu dans les hauteurs du bois. Ils nous y emmènent. Certains d’avoir trouvé, ils décident d’aller chercher la pelle et, surexcité, Stephen la ramène en moins de cinq minutes. Ça creuse énergiquement, frénétiquement. Stephen y va même avec les ongles. Ils fouillent l’endroit le plus logique : pile sous la dalle de couverture du dolmen, où ils ne trouveront… RIEN !

08:15 : Moment de détresse !

Adossé contre le menhir, Sam s’interroge et retourne l’énigme dans tous les sens, tandis que Stephen observe. L’un s’étonne de ne rien trouver « à l’ombre du dolmen », sauf s’il devait s’agir « d’une ombre solaire », ajoute-t-il. L’autre préfère donner des coups de pelles sur la gauche du dolmen, puisque l’inclinaison de la pente empêche de le faire ailleurs.

Le premier note alors que, cette fois, Stephen creuse « à l’ombre » du dolmen, en fonction du soleil. Stephen ne réfléchit plus, frappe la pelle avec son pied, remue le manche et cherche obstinément le trésor caché. Soudain, la pelle frôle l’arrête d’une boîte en bois. Ils écarquillent les yeux, creusent plus vite, s’agenouillent et extirpent une caisse. A l’intérieur, un second petit drone (pas de jaloux) et cette fois, plus de message.

08:41 : Fin de partie. Retour au camp, ravis.

10:00 : Rangement de bivouac, dans la joie et la bonne humeur. Les moussaillons aident et rangent avec efficacité, mais nous sentons qu’ils voudraient rester…

10:20 : Bivouac plié. Sax rebranche l’enceinte et sors les clubs de golfs. Depuis un rocher, nous leur proposons de taper quelques balles dans la clairière où nous avons passé la nuit. Les gabiers n’en reviennent pas et se lancent dans le jeu, avec quelques sacrés swings au programme…

Une heure plus tard, on largue les amarres. A l’avant comme à l’arrière, des souvenirs pleins de rires, nous avons tous les yeux accrochés à ces paysages : faudra revenir !

Merci, camarades.