Dans la vie, faut essayer d’aider les mal-chaussés ; on pourrait aller nu-pieds ! Sax partage la même philosophie, forgée par les incidents, les accidents… Alors nous avions exclus certains endroits où cacher les trésors, afin de permettre au plus grand nombre de jouer. Et puis il m’est arrivé un truc : je m’suis pété la guitare.

Anecdote à la con : Nous avons parcouru la France dans tous les sens, crapahuté des jours et des nuits, escaladé des trucs et sauté depuis des machins, fait toutes les conneries possibles, et j’me suis cassé la jambe… en marchant. C’est assez dingue, quand on y pense… Vous y croyez, vous ?

Bilan : une double fracture (tibia péroné) servie avec longue immobilisation et, bien sûr, saupoudrée de son petit lot de complications et autres joyeusetés.

Je passe sur les moments chiants et nous voici au premier jour du reste de ma vie, devant notre bolide, prêts à repartir en road trip. J’ai réclamé cette excursion à cor et à cris dès ma sortie du bloc. Comprenez : j’ai saoulé Sax. Habitués des salles blanches, nous étions lucides quant à mon état, cependant dès que je me suis senti capable de tenter l’aventure, nous l’avons tentée. En réalité, je pense que Sax savait pertinemment que je ne passerais pas l’étape urbex, mais j’avais besoin de m’aérer, de me prouver que je pouvais redérouler mon hamac, même en fauteuil roulant.

On s’est baladés à la recherche de nos lieux fétiches, dont les gares désaffectées en suivant le tracé d’une voie de chemin de fer quadrillée des hautes herbes. Nous pensions y arriver, mais nous nous sommes fortuitement retrouvés au beau milieu d’une ville militaire. Je n’avais pas vu autant de bidasses en même temps depuis mes dix-neuf ans. L’angoisse ! Nous avons fini par trouver l’aérodrome et comme prévu, je n’ai pas franchi la clôture. On est repartis, un peu dépités, mais j’ai pioncé à la belle étoile avec ma satanée chaise en table de nuit. C’était l’une des plus beaux endormissements de ma vie. Bonus : on s’est fait réveiller au petit matin par ce con de gardien de cimetière. Oui, parce que comme, passé minuit, nous étions clairement en galère pour bivouaquer, nous nous sommes arrêtés aux abords d’un cimetière de la seconde guerre mondiale. Après avoir boîté devant quelques tombes françaises histoire de présenter nos respects, nous nous sommes installés à l’orée de la petite forêt qui leur faisait face. La nuit fut calme et les voisins pas emmerdants, mais à l’aube, le gardien n’était pas ravi. Il a fait gueuler son clébard en nous regardant depuis sa maison, à trente mètres, sans nous rendre notre putain de salut. J’étais fou !

On a marché jusqu’à lui (enfin, moi, j’ai roulé) histoire de discuter le bout de gras. Daniel, gardien de son état, nous a finalement offert le café. Il ne voit absolument « aucun inconvénient à ce que vous passiez une nuit dans le bois qui jouxte le cimetière, à condition qu’il soit prévenu » et, bien entendu, de respecter l’endroit. Donc, si par hasard, vous passez près de Reims devant un cimetière militaire italien et que vous n’avez nulle part où accrocher vos hamacs…  L’invitation de Daniel est valable « à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit ! ».

Confession enregistrée et ça tombe bien : on reviendra !