05:32 : Réveil en forêt. Je me retourne pour la 257ème fois dans mon hamac. Sax ronfle. Bonny, la chienne, ronfle. Une lueur bleue illumine les arbres. Le jour se lève. Je n’ai pas dormi. J’ai la migraine.

05:40 : Pourquoi c’est toujours ceux qui ronflent le plus fort qui se réveillent en dernier ? Je saute du hamac, j’attrape du café froid, de l’eau, du pain, du coca. Tout autour, la pénombre tranquille est transpercée par des éclats lumineux. Nous sommes recouverts par un voile de brume.

05:52 : J’abandonne le campement et marche vers l’étang repéré la veille. Derrière ce rideau blanc, je n’aperçois que les premières herbes, à cinquante mètres. Bonny s’est décidée à me suivre – elle dort debout.

05:59 : La brume est de moins en moins opaque. J’atteins l’étang, de la taille d’un terrain de foot. Je trouve un banc trempé par la rosée et décide de longer le lac. A travers la voile laiteuse, je devine les hauteurs qui cernent l’eau. Lorsqu’il y a 2000 ans, les cohortes romaines se déplaçaient en Gaule en rangs serrés, l’autochtone l’attendait dans ces forêts vallonnées, à l’abri des arbres, caché dans la brume.

06:04 : J’ai l’impression qu’on me suit. C’est la brume qui fait ça.

06:11 : J’ai l’impression que je suis paumé. C’est la brume, ça aussi.

06:15 : En fait, j’ me suis vraiment perdu. Ça fait du bien, de temps en temps, de se perdre. Continuant la promenade, j’escalade les hauteurs. Monter ne m’extirpe pas du rideau blanc mais je vois un peu plus loin. Contemplant l’étang en contre-bas, je découvre une grande pierre blanche sur son côté ouest. Je redescends. Je fonce à l’ouest. Bonny s’était recouchée dans l’herbe humide. Elle est à la peine, ce matin.

06:20 : Devant l’étang se trouve un petit autel en granit, masqué le jour par les herbes hautes et à l’aube, par ces bancs de brouillards. La pierre est magnifiquement travaillée. Une statue en son centre a été brisée. Notre Dame du Cap, peut-être ?

06:21 : Bonny grogne derrière l’autel, qui doit mesurer 2 mètres par 3, pour 1 bon mètre de haut. Je le contourne. Derrière, la chienne a trouvé un trou béant, profond d’au moins 50 centimètres. Elle creuse dedans, comme une dingue.

– Qu’est-ce que tu fous encore ?, lui dis-je.

Pas de réponse. Je m’accroupis. A côté de moi, des pelletées de terre. Dans le trou, les traces de griffes du chien.

– Ça, lui dis-je, ça a d’abord été creusé par l’homme. Un trésor ?

Toujours pas de réponse.

06:22 : Sax est debout. Il me cherche. Je fais des flashs dans la brume avec mon smartphone pour qu’il me repère.

06:30 : Sax pense que c’est un trou de taupe. Moi, je dis qu’il s’agit d’une cache aux trésors. Dans les deux cas, cet objectif là n’était pas dans nos plans. On ne sait rien de l’autel : il faut l’étudier, y passer la journée, apprendre son histoire. Et peut-être après…

Bonne chasse, camarades.