Quel chant révolutionnaire est devenu un hymne national ?

Le nôtre.

 

 

De passage à Strasbourg, nous nous attablons non loin de la rue des Charpentiers, célèbre depuis 1792. Six mois plus tôt, Louis XVI – roi de France surveillé – quitte Paris en famille, laissant son testament politique sur son oreiller. Texte que les Français ne liront jamais et qui, pourtant, acceptait certaines réformes de la révolution, plaidant en faveur d’ « une monarchie constitutionnelle avec un exécutif puissant » (à bon entendeur). Louis XVI s’échappe, donc. Il est repris en 24 heures… Suspecté d’avoir pactisé avec l’Autriche par l’entremise de sa reine, Marie-Antoinette, le roi est suspendu de ses fonctions par l’Assemblée nationale, qui déclare la guerre à l’Empereur du Saint-Empire romain, d’Autriche, également roi de Bohème, de Hongrie, et allié de la Prusse. Dans les rues, des affiches scandent :


« Aux armes, citoyens ! »

 

Six mois plus tard, le maire de Strasbourg (Dietrich) cherche un chant guerrier pour ragaillardir l’armée du Rhin, prête à combattre l’empereur d’Autriche. Claude Joseph Rouget de Lisle, un capitaine du génie militaire du régiment des « Enfants de la patrie », va lui donner satisfaction. Rouget de Lisle est plus poète que musicien, mais il en connaît, des [tooltip title= »Ignace Pleyel, royaliste et autrichien, maître de chapelle à la cathédrale de Strasbourg »]musiciens[/tooltip]. Tout comme il connaît le 25ème concerto pour piano, que Mozart composa six ans plus tôt. Il a en tête des mots de Boileau, sur les « corps […] engraissant nos sillons » et des « étrangers qui ravissent d’entre nos bras nos fils et nos compagnes ».

Le chant de guerre de l’armée du Rhin (c’est son nom) séduit immédiatement. Dietrich l’impose à la garde nationale strasbourgeoise. Mille soldats l’entonnent au moment de partir au front. Les paroles s’impriment et traversent la France. Cinq cents fédérés marseillais l’apprennent, avant de partir en campagne. Comme ils le chantent à leur arrivée à Paris, l’air devient célébrissime et, en leur honneur, prend le nom de Marseillaise.

La Terreur ensanglantant la nation, Rouget de Lisle est arrêté et emprisonné trois ans plus tard, suspecté d’être devenu… royaliste. Le maire Dietrich est guillotiné, comme d’autres. Rouget de Lisle est finalement épargné et vit, presque dans la misère, à Choisy-le-Roi où il meurt en 1836. Sa chanson ne deviendra un hymne que 43 ans plus tard. A de son enterrement, les chœurs chanteront par erreur le seul couplet qu’il n’avait pas écrit :

« Amour sacré de la Patrie,

Conduis, soutiens nos bras vengeurs !

Liberté, Liberté chérie

Combats avec tes défenseurs ! »

Bonne chasse, camarades.