On ignore comment nous nous sommes retrouvé dans cette histoire, qui tient plus de la digression. Alors que nous bivouaquions dans une contrée dont, une fois n’est pas coutume, nous tairons le nom, des bruits de moto cross attirèrent notre attention.

Lorsque nous suspectons une rencontre du type de celle qui va suivre, nous nous rééquipons toujours de nos GoPros sur le torse – les gens sont incroyablement bien élevés dès lors qu’ils pensent être filmés. Nous continuons à accrocher nos hamacs et à chercher du bois, tandis que les motos s’éloignent. Chacun occupé à une tâche précise afin de préparer le dîner à la belle étoile, nous nous séparons. Bonny et moi ramenons du bois au campement. Et là, nous trouvons Sax, planté au beau milieu, près des 7 crânes.

– Qu’est-ce qui t’arrives ? T’as vu un mort ?
– Nop’, mais j’ai vu un mec.
– Et alors ?
– Il regardait les crânes. Quand j’ l’ai vu, il s’est tiré.

Je reste cois. La bleusaille se serait présenté avec son célébrissime et tout aussi agréable « Bonsoir-c’est-la-police ». Idem pour tout officiel des forêts…

La première réaction de Sax fut de protéger les trésors ; les crânes. La seconde fut d’hésiter à lever le camp. On s’installe, on bivouac et on s’arsouille pour faire glisser la charcuterie.

23h50 : Feu éteint. On va aux plumes quand des craquements se rapprochent. Bonny grogne. On se redresse et soudain ; pluie de mag-light. Cinq lampes torches aveuglantes, braquées sur nous, sortent du bois. On a beau en avoir nous aussi, on ne peut rien. Le premier intrus s’amène :

« C’est la police ! Contrôle d’identité ! »

Pas de « bonsoir », « s’il vous plaît », ni merde. Sax et moi, nous nous regardons, intrigués. La chienne est enragée mais reste au « pas bouger » – s’agirait pas qu’elle s’ prenne un coup de flash-ball. Les quatre autres policiers arrivent. On ne leur donnerait pas 25 ans. Nous ne bougeons pas. Eux n’avancent pas. Un silence s’installe. Pour ceux qui connaissent l’amabilité policière en plein contrôle, l’affaire est louche.

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L’un des « flics » dévore le Jolly Roger des yeux, pas rassuré. Un autre a les yeux rivés sur la machette, plantée dans le sol, à mes pieds. Un troisième est stressé par les grognements de la chienne – très remontée. Enfin, aucun d’eux ne porte de brassard, de talkie ni autre signe distinctifs. Ils n’ont… que des lampes torches.

On se marre. Après l’assourdissant silence, le doute n’est plus permis : j’attrape la machette en souriant ; Sax tend la main vers son hamac et en sort le sabre d’abordage (qui lui ne tranche pas mais on envisageait de jolies photos avec). Lames sur épaules, sourires aux lèvres et sans un mot, nous les regardons déguerpir à reculons. Lorsque, à l’oreille, ils semblent avoir rebroussé chemin suffisamment loin, nous nous retournons vers Bonny :

– Va jouer.

Pas de raison qu’elle ne s’en amuse pas non plus. Et puis elle n’aime charger que pour faire peur. Au loin, les aboiements de Rantanplan déguisée en Cerbère laissent place aux cris. Bonny revient, pas peu fière.

Surveillez vos bivouacs : ne dormez pas n’importe où !

Bonne chasse, camarades.