Jour 18

09:20 : Orage, inondations, pas de désespoir !

Vous rappelez-vous, les orages dont je parlais hier soir ? C’était une tempête. Il y aurait des morts dans l’Hérault.

09:41 : Ça souffle dangereusement. Clapo sous l’étrave. Ça recommence à taper. Faut surveiller.

10:03 : Ça tape vraiment dur. On aime.

10:08 : Ça tape trop. On rentre dans la tempête avec impossibilité de faire demi-tour. Les rafales déferlent sur le bateau à 90km/h. Nous cherchons un ponton – en vain. C’est une des particularité du Rhône : souvent, pour s’amarrer, c’est démerden sie sich.

10:19 : Amarrés sur un quai miraculeux. Les creux dépassent le mètre vingt.

10:20 : Le capitaine nous charge de réarmer la cambuse et reste à bord.

17:00 : Immobilisés. Encore. Les creux frôlent le mètre 20. Le « pitaine » a protégé les dérives sur les bords du bateau ainsi que celle à l’arrière avec des bouteilles de coca-cola, à moitiés pleines (le gaz à l’intérieur fait pression), évitant qu’elles ne se brisent contre le quai.

22:00 : Dîner formidable. Le bateau est ballotté dans tous les sens. Un grand boom retentit à chaque seconde. Soit c’est l’eau qui nous frappe. Soit c’est nous qui frappons le quai. Le capitaine veut qu’on dorme par quarts cette nuit.

Jour 19

05:00 : J’ai manqué de m’endormir pendant mon quart. Je rêve d’une douche.

05:02 : La tempête semble se calmer. Ça souffle moins. C’est fou, tout le café qu’on s’est envoyé.

05:51 : La tempête se calme véritablement. La radio annonce des disparus dans plusieurs départements. Ça remet en place.

06:20 : Le jour s’est levé avec cette belle promesse : l’écume disparue au loin. On a largué les amarres.

07:09 : Des traces du déluge, on voit les restes des fondations d’une maison. Des passants nous confirmeront que la baraque fut emportée pendant la nuit – personne n’était dedans.

Quinze kilomètres plus loin, nous trouvons la grande porte (20m de haut) du bièvre, fermée. Pas un rat.

08:51 : Ah, au cas où ce ne serait pas clair : on est de nouveau bloqués. Et il y a des chasseurs qui convergent sur « notre » berge. Ils tirent en l’air… à 10 mètres de nous.

09:37 : Le capitaine est allé parler aux types de la VNF : il y a des inondations un peu partout et 5 départements sont en alertes. La VNF conseille de faire demi-tour : les remous passent et secouent les bateaux et de l’autre côté, la crue n’est plus qu’à 4 mètres du haut de la porte… S’il continue de pleuvoir en amont, on va se prendre un petit tsunami. Tous les bateaux qui arrivent repartent. Tous, sauf nous, qui ne pouvons faire demi-tour : la seule route vers Lyon passe par ici !

11:42 : Vents : 27 km/h. Ça se calme pour nous. Pas pour les régions voisines.

– Tu sais, quand j’ai rebaptisé le bateau au début ?
– Je sais, je sais, mais j’ veux plus savoir…
– J’y crois maintenant…

16:02 : Atelier cane à pêche.

17:10 : Je vais pas vous mentir : ça mort pas des masses.

19:17 : Le vent se relève. Selon la radio, la fameuse tempête vient vers nous.

21:00 : Vents : 92km/h. Ça secoue à bord. Toutes les heures, l’un de nous prend une lampe, vérifie les amarres, le pont, et descend à terre, battu par la pluie et les vents, pour relever le niveau de crue (sur une règle affichée derrière la grande porte) : ça monte…

Jour 20

02:13 : Ça monte toujours.

04:01 : Sax en revient. Ça monte encore.

06:00 : J’ai loupé mon tour. Ça ne monterait plus, dit-on.

07:18 : La radio annonce qu’inondations et intempéries ont déjà fait 6 morts. Ça nous fait tous relativiser nos problèmes. Rassurant, le capitaine ajoute :

– L’avantage d’être sur un bord en cas de déluge, c’est qu’en principe, tu flottes !
– « En principe », me murmure Sax en souriant.

11:25 : Selon la VNF, la décrue aurait commencée : la porte pourrait être ouverte demain. En aucun cas aujourd’hui. Ça va être une longue journée.

11:51 : Ça se calme, ça se calme, moi je veux bien, mais derrière la grande porte, l’eau furieuse se déverse comme un torrent au milieu duquel troncs d’arbres, barrières, panneaux de rue et autres objets insolites font du rafting.

13:17 : On a tenté d’organiser un tournoi international de pétanque avec les gens bloqués autour de nous. Seulement les chasseurs sont revenus canarder dans le quartier. Sans blague, ces gens sont dangereux.

14:32 : Le « pitaine » aimerait une mission cambuse. On part se balader, sans trop savoir où aller.

15:47 : On a vu un village, au loin. On a marché, longtemps. On a trouvé, finalement. Et les dos chargés de provisions, nous nous sommes lancés dans une petite visite improvisée d’une citadelle, tout du moins de ses remparts. L’une des enceintes est totalement creusée, comme si elle abritait une cave mystérieuse, accessible depuis la rue.

19:27 : Cette bonne humeur du soir, nous la devons à la VNF. Demain : départ !

 

Bonne chasse, camarades.