Nous devions arriver avant 14 h, avoir 2 heures pour repérer l’objectif (une ruine cathare) et 2 heures de plus pour trouver un bivouac fiable. Un bouchon aura changé nos plans. Nous avons fini à 18h45 sur une plage française qui n’était pas du tout sur notre chemin. Au loin, nous avons vu une suite de formes en bétons, posées à même les dunes : des blockhaus. Et là, on s’est regardé, un peu niais : l’occupant nazi, qu’on le veuille ou non, fait lui aussi partie de l’histoire de France. Sans autre idée :

On a décidé de bivouaquer dans un blockhaus

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L’endroit avait été squatté maintes fois avant nous, en témoignent les restes de beuveries, les messages laissés sur les murs et la tonne de magazines pornos abandonnés là (on n’a pas compris). Nous avons visité chaque travée, histoire de s’assurer qu’on « n’emménageait pas chez quelqu’un », installé un système de lampes à l’intérieur, accroché nos hamacs en passant entre les meurtrières, ramené le bois, préparé la barbaque. La nuit est tombée et on a allumé. L’erreur !

Le saviez-vous ?
Le système d’aération des blockhaus nazis était hyper efficace !

Le feu était bien positionné – à la sortie du blockhaus. Très vite, nous avons réalisé que l’intérieur était enfumé. Il a fallut tout éteindre d’urgence – avant la pitance – pour avoir une chance de dormir au chaud et non intoxiqué. On a mangé froid. Le cassoulet en boîte froid, c’est dégueulasse. Pas de quoi entamer notre moral : musique à fond, on a profité de la résonnance Deutsche Qualität en dansant un peu partout avec la chienne. Jusqu’à trébucher sur une plaque en cuivre, qui s’est effondrée, 6 mètres plus bas. Nous ne savions même pas qu’il y avait un étage inférieur. Personne n’est tombé. Nous n’étions pas fiers.

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Nous sommes repartis pour un tour d’exploration urbaine, à 23h30, pas bien frais. La salle souterraine était assez angoissante : ronde, elle donnait sur deux couloirs étroits, que les lampes poches ne parvenaient pas à éclairer. Sax a pris un des talkies, moi l’autre, chacun s’est enfoncé dans un boyau, la chienne nous a encouragé – de loin. Arrivés chacun à un bout, nous sommes tous deux tombés dans une pièce ronde et circulaire, donnant chacune sur un autre couloir, dans un autre angle. Au-dessus de nos têtes, des escaliers semblables à ceux que nous avions empruntés pour descendre. Mon accès était fermé. Pas celui de Sax. Il l’a escaladé. Au loin, la chienne aboyait, pas rassurée. J’ai tapé du pied par terre. Rien à faire, c’est du ciment sur du ciment ; du béton sur du béton ; de l’incassable ; de l’inébranlable ; bref, de l’allemand. On cache rien, dans de l’allemand.

Sax a fait cliqueter la radio :

– Vous-êtes-perdus-dans-un-labyrinthe-nazi-à-minuit-j’écoute ?
– T’as trouvé quoi ?
– J’suis dans un autre blockhaus. Je rentre.
– Ouaip’. Sinon, on a pas fini.

Nous sommes retournés dans nos hamacs, amers. Deux heures plus tard, le vent s’est mit à souffler. Si fort qu’il berçait nos toiles gelées – ce qui n’arrive jamais en forêt. On s’est levés, frigorifiés. Le gros du courant d’air venait de ce trou béant vers le sous-sol, laissé par la chute de la plaque de cuivre. On s’est caillés toute la nuit.


Préparez bien vos bivouacs !

Bonne chasse, camarades.