Surtout connu pour ses prétendus extra-terrestres cachés dans la montagne, Bugarach est un merveilleux petit village du XIIIe siècle, de deux cents habitants, dans le Languedoc-Roussillon. Bugarach est enlacé par une rivière, aux crues si violentes qu’elles imposèrent au conquérant romain une prouesse architecturale : un pont dans le vide.

On se gare à un quart d’heure à pied du fameux pont. Des Bugarachois nous regardent, derrière leur fenêtre. Il faut préciser qu’une multitude de croyances font converger ici des zouaves de différentes natures. Il y a les fans d’E.T., persuadés que le pic de la montagne abrite une base Alien secrète. Il y a les hippies, certains que l’endroit déborde d’ondes positives. Et les aventuriers en tous genres, persuadés que le trésor de Rennes-le-Château dort en réalité sous la montagne, depuis qu’un des leurs, Daniel Bettex, y trouva la mort des suites d’une mystérieuse déshydratation (Les équipes médicales suisses n’ayant pu le réanimer et Emile Biasini, ministre de la culture d’alors, ayant immédiatement fait sceller l’entrée de la grotte où le corps fut retrouvé.).

Nous poursuivons notre chemin, jusqu’au fameux pont. L’arche, récemment restaurée, est splendide. C’est un arc au-dessus d’une quinzaine de mètres de vide. En bas, la rivière coule d’une petite cascade. La construction dans le vide paraît irréaliste. Malgré sa petite taille, elle évoque l’image des ponts infinis de la mythologie. Sans garde-corps, il faut l’emprunter prudemment, regarder droit devant. Dessous, tout un pan de la paroi rocheuse a été limé par les différentes crues : la violence des courants, signée à même la pierre.

Nous croyons remarquer une cavité. S’en approcher est acrobatique. Sax dérape et se rattrape de justesse… dans la flotte. Je n’ai pas plus de réussite mais au moins, d’en bas c’est plus facile. Nous escaladons en varappe pour retrouver le trou dans la roche. Lui ne semble pas creusé par l’érosion ; il a été fait à l’aide d’outils. Cela nous épate. On prend des photos. On se recasse la figure. On remonte. L’endroit nous plaît énormément. Seul inconvénient : reboucher discrètement le trou pour masquer le trésor paraît impossible.

L’orage gronde. Un type s’amène. Nous nous pensions seuls. Les premières gouttes tombent quand l’inconnu nous dit de nous abriter. Ici, les orages peuvent être très violents. Or ce sont eux qui provoquent des crues monstrueuses. Le courant est déjà plus fort. Au loin, un rideau sombre s’approche : on va se prendre une averse. Nous capitulons, suivant l’inconnu (qui s’avère être un « hippie New Age ») jusqu’au bar du village, où on lui paye à boire, histoire d’écouter ses histoires : pendant que nous nous pensions seuls, ils étaient douze hippies, trente mètres plus haut, à nous observer depuis leur « campement New Age » en se demandant ce qu’on foutait. Notre griot-rasta aura été le seul assez rapide et bienveillant pour nous prévenir de l’orage.

Assurez-vous d’êtres seuls, avant de déterrer votre trésor !

Bonne chasse, camarades.