C’est une forêt qui devrait être célèbre pour son ancien fort militaire. Sur internet, elle ressort d’abord pour ses rencontres nocturnes entre hommes… La caserne fut édifiée au XVIIIe siècle, comme poste de garnison. Elle fut ensuite successivement abandonnée, réaffectée en réserve de munitions pendant la première guerre, en fort nazi durant la seconde avant de redevenir un fort français, bientôt définitivement désaffecté… Une légende raconte que juste avant l’occupation nazie, la troisième république y cacha un stock d’or.

00:00 : on s’enfonce dans la forêt !

A l’orée du bois, plusieurs dizaines d’inconnus se fondent dans l’obscurité, dissimulés derrière les arbres. Ils nous reluquent. Nous n’avons pas emmené la chienne, de peur qu’elle prenne ces libertins naturistes pour un jeu de quilles. Nous retrouvons une petite route, bitumée. On s’éloigne des bruits de boucles de ceintures et des sifflements malsains. Au loin, un boom répétitif, à peine audible. Le smartphone nous guide : c’est tout droit.

Comme il n’y a pas d’autre accès, on marche plus d’une heure. Le boom répétitif est de plus en plus puissant. Et lorsque nous arrivons enfin au fort, nous comprenons. L’ensemble du complexe militaire est envahi par… une rave party. Des fêtards ou de la techno, c’est à celui qui hurle le plus fort. Nous nous engageons tout de même dans le champ de bosses, qui s’achève par un parcours du combattant. Partout autour de nous, des corps allongés. Certains dorment. Certains fument. D’autres s’embrassent ou font l’amour. Nous rentrons dans le camp par l’entrée principale. Au dessus de la grande porte, le panneau est toujours en place :

Zone militaire : Accès strictement interdit !

Mais derrière, ils sont une centaine à se déhancher dans le carré d’honneur, la tête dans les enceintes. On est loin de sentir l’Histoire à travers les pierres. Un jeune fou se jette sur nous (la chienne l’aurait bouffé), bras tendus, paumes ouvertes, vides. Il nous propose des pilules. On lui fait remarquer qu’il les a sans doute bouffées. Le type se tire.

– On est tombé où, encore ?
– Le stock d’or. Oublie pas le stock d’or.

Nous traversons le carré. En son centre, les restes d’un mât. Au bout, l’entrée – toujours marquée – de l’armurerie. Nous pénétrons le bâtiment, sombre et lugubre, jusqu’à trouver une salle illuminée : un stand de tir abandonné, empli de saletés, éclairé à travers une verrière par les projecteurs des danseurs. Par terre, un peu de tout. Des douilles, surtout. Des millions de douilles, de tous calibres. Au bout, quelques cibles sont encore là, sous des sacs de sables percés. Ce ne sont pas des militaires, qui tirent comme ça. On s’arrache par un autre escalier. Il faut enjamber des seringues, des capotes et des corps fiévreux, perdus entre deux mondes. Le ventre du fort est un formidable labyrinthe dans lequel nous peinons à trouver la salle des batteries : les stocks de munitions. La salle, immense, est vide.

– Tu t’attendais pas vraiment à tomber sur un stock d’or ?
– Mais j’ me disais : « on sait jamais ».

On se marre. Il est temps de se barrer : l’ultra glauque, c’est pas notre tasse de thé.

Nous ressortons, dansant entre quelques accolades d’inconnus en transes. Sur le parcours du combattant, nous tombons sur un groupe d’une trentaine de personnes : des flics en civils. Contrôle d’identité passé et pupilles vérifiées, la Bac nous laisse filer, comprenant qu’on s’est pointé par curiosité, sans rapport avec les fêtards qu’ils s’apprêtent à déloger, lacrymaux en mains…


Attention à où vous mettez les pieds !

Bonne chasse, camarades.