Il y a encore une soixantaine d’années, la tuberculose était appelée « la peste blanche ». Souvent condamnés, les pestiférés étaient isolés dans d’immenses bâtiments : des sarcophages géants appelés sanatoriums. Ces complexes étaient bâtis comme des châteaux, sur des hauteurs et en forêt ou près de la mer. Pour la guérison des malades, l’air devait être vivifiant. Une vie en sursis s’y animait avec des patients de tous les âges, qui attendaient leur tour un peu comme on joue à la roulette russe.

En 1919, la loi française impose la création d’un sanatorium par département.
La France en a construit plus de 250.

De nuit, nous nous garons assez loin d’un sanatorium abandonné en Ile-de-France, classé comme « hanté » par quelques sites internet. Si l’on croit aux fantômes, il n’y a pas mieux qu’un sanatorium. A chaque jour, un décès. Ceux respirant encore se considéraient comme déjà morts.

Nous longeons une grande forêt pour ne pas risquer d’être repéré par la sécurité de l’hôpital, tout proche et qui, lui, n’a pas fermé ses portes. Comme l’indiquent les panneaux sur les grillages, l’accès au sanatorium est interdit. Comme l’indiquent les graffitis un peu partout sur le bâtiment délabré, tout le monde y a accès.

A l’intérieur, une immense salle de spectacle. L’estrade est défoncée, les rideaux, déchirés, les murs, à moitié brûlés. Au pied d’un escalier, trois chariots métalliques encastrés. Nous passons à l’étage, visitant les chambres des patients collées les unes aux autres. On dirait des cellules… des cellules avec balcon donnant sur un parc, lequel domine la forêt.

– Ça ferait un chouette practice.
– J’ai les balles et les clubs dans l’ coffre.

Tout à coup, un énorme bruit résonne dans le sanatorium.
Sursauts. Une pièce métallique qui se casse la gueule ?

Sax et moi nous regardons ; ce doit être à cause de ce genre de surprise que d’autres explorateurs urbains auront catalogué l’endroit de « hanté ». Il n’y a plus rien qui tient debout. Nous poursuivons à l’intérieur, vers la chambre à macchabés. Là se trouve une trappe ouverte, devant une civière à bascule. Pour restreindre les contacts entre le monde extérieurs et les malades en quarantaine, les cadavres étaient basculés dans l’étroit couloir des morts avant de choir, 1km plus bas, dans les mains des croque-morts. Le boyau semble avoir été obstrué depuis – sans doute par sécurité. A cet instant, une nouvelle résonnance métallique fait écho dans le sanatorium.

– Dis-donc, un peu glauque pour planquer un trésor, non ?
– Ouaip’. D’autant qu’il finira bien par être rasé.

Nous décidons de rentrer ; l’endroit semblait plus intéressant sur le papier. Au bout de 3 minutes, nous comprenons que nous sommes perdus dans ce labyrinthe d’escaliers et de couloirs qui s’entrecroisent. Sans lumière et incapables de retrouver notre chemin, nous finissons sur les toits du bâtiment. La résonnance persiste, jusqu’à nous mettre un doute : sommes-nous vraiment seuls ? Il nous faudra 40 minutes de plus pour nous échapper, 15 pour retrouver la voiture et encore 10 de plus pour remonter sur les toits, clubs et balles en mains.

Bonne chasse, camarades.