Réveil à l’aube après une douce nuit dans nos hamacs, passée sous le toit d’un petit abri en plein cœur d’un parc national. Sax ouvre un œil. Je m’étire et sors avec la chienne m’éveiller doucement, en pleine nature. Il n’y a rien de meilleur. Bonny fait son petit tour matinal et j’attrape une bouteille d’eau dans la bagnole quand au bout du sentier, surgit un pick-up blanc. Je bondis. Le clebs aussi. Sax sort de l’abri en caleçon, comme un ours. Je grimace en repérant l’insigne de l’ONF sur le capot. À cause des interdits, on ne sait jamais trop à quoi s’attendre lorsqu’on les croise. Ils se garent et deux gringalets en sortent. Bonny grogne, alors je leur serre rapidement la pince pour la rassurer. Les gardes forestiers sont détendus, nous saluent amicalement, caressent la chienne et viennent justement voir si quelqu’un a passé la nuit dans cet abri et s’il a besoin d’assistance. C’est vrai qu’à mille six cents mètres, y’a plus grand monde. Dans ces vallées d’un vert éclatant, les paysages volcaniques vous bercent avec douceur, si bien que l’on s’attarde facilement pour finir piégé, la nuit tombée.

– Besoin de rien, donc, messieurs ? Sûrs ?
– Oui oui… Balbutions-nous, ahuris de tant de gentillesse au milieu de nulle part.

On leur propose du café froid mais ils n’en veulent pas et repartent aussi vite qu’ils sont venus. Nous passons un coup de balais avec les moyens du bord et quittons cette magnifique région, le cœur lourd car les épaules un peu plus légères…

 

Cinq heures et dix minutes. C’est précisément le temps qui nous sépare du lac de Montbel, que nous avons choisi pour une contre-démonstration. Le terrain de chasse mesure 552 000 kilomètres carrés. Dedans, les îles ne comptent pas. Ainsi et à titre d’exemples, aucun des sept trésors de Levasseur ne peut être caché en Corse, sur l’île de Ré, d’Houatt, l’île d’If ou de Grand Bé… Cette règle, que nous nous sommes imposée, vise à faciliter l’accès au jeu au plus grand nombre :

Aucune île ne recèle l’un des
7 trésors de Levasseur.

Ce qui n’empêche pas de s’en servir pour construire nos énigmes – tant qu’on ne vous oblige pas à vous y rendre… Nous voilà donc partis pour une session aquatique. Le premier tour du lac artificiel est splendide : le ciel s’y reflète sur plus de 5 kilomètres carrés et des sirènes se prélassent sur ses rivages. Pas le temps. On termine dans une guinguette sur la berge, où nous trouvons un canoë qui flotte. Lorsque le niveau du lac est assez élevé, l’eau coupe plusieurs langues de sables pour former quatre à cinq îlots. Suggestion vicieuse : un trésor sur l’une d’elles serait donc accessible à tous et à pieds secs, une partie de l’année… Ce n’est pas le cas, mais je pose ça là…

Bonny, qui a légèrement peur de l’eau, hésite avant d’embarquer. Ouais, mon chien déchire mais c’est un pirate de terre ferme. Il faudra nos encouragements et de la patience pour qu’elle se jette sur le kayak, pile entre nous. Dès les premiers coups de pagaies, elle s’apaise et s’amuse.

« Souquez ferme, devant ! râle Sax. J’ai l’impression de ramer avec la DDE ! »

 

On rame, on rame, et c’est quelque chose. Entre reflets et haies de pins, la vue qui nous entoure est incroyable. Sax pointe une berge et nous filons droit sur elle. La coque gratte le sable en chevauchant la plage. Nous sautons à terre et démarrons la première expédition. On s’égratigne dans les branchages, cherchant une souche et des racines où cacher le kayak – réflexe. Quelques mètres derrière, un terrain vierge et sauvage. La première île n’est pas large – peut-être trente ou quarante mètres – et a des airs de paradis. L’endroit idéal où bivouaquer. Bonny confond l’ilot avec un circuit de formule 1 et nous en repérons un autre, à quelques encablures. Aussitôt, on remet le kayak à l’eau. Le cabot saute dedans et nous repartons à l’aventure. Je rame comme un sourd sous les cris de Sax, pendant que le clébard s’amuse à essayer de boire tout ce qui lui tombe dans la gueule. Nous contournons l’île en tâchant de viser une berge dégagée, mais les courants nous déportent. On accoste finalement n’importe comment, surpris par les forces sous-marines…

Le second atoll est encore plus sauvage que le premier. Les arbres perdent leurs racines dans des marécages aux allures de bayou. Sax va se perdre dans la végétation dense, parfois brûlée par le soleil, et nous observons tout, comme pour une « zone de trésor classique ». Le fait d’être si isolés ne serait un avantage que pour nous. On fait vite le tour du banc de sable. Tous les arbres se ressemblent dans cet Eden. L’espace n’est, en fait, même pas suffisant pour organiser un vrai jeu de pistes, avec des points, des repères, des ponts ou autres monuments. Ce qui n’empêche pas Bonny de prendre son pied. Elle cavale comme une cinglée sur les pistes et la plage, avec le kayak pour obstacle. Après exploration, nous reprenons le canoë pour retourner sur la première île. Les courants nous déportent encore. Cette fois, dans une zone sans vents et dont nous peinons à nous dégager, pris entre des arbres noyés. On pagaie, on pagaie. Sax grogne mais nous dirige. Nous finissons par sortir de là, contournant finalement l’île dans le mauvais sens (!), obligés d’en refaire le tour avant d’accoster sur la mauvaise berge… Je saute sur la rive et me ramasse lamentablement. Sax applaudit : c’est lui qui fera le feu, ce soir. Arrêtons de bouger, on dort là. On aurait même bien voulu enterrer un truc là…

Bonne chasse, camarades.

 

ATTENTION : les lacs artificiels sont parfois construits dans d’anciennes carrières, où des éboulements sous-marins peuvent créer des courants, de fortes aspirations et provoquer la noyade. Renseignez-vous avant la baignade !

Montbel : Rien à déclarer, sauf poiscailles qui vous chatouillent le pied.